La manipulation

Court extrait du livre « La parole manipulée » de Philippe Breton

(Lauréat de l’Institut et docteur d’État en sciences de l’information et de la communication, est professeur des universités de Strasbourg).

« Dans ce livre passionnant, Philippe Breton s’efforce de répondre à des questions en décrivant les différentes techniques de manipulation qui saturent notre environnement. 

Il cite…

Ce qu’il faut comprendre c’est que la manipulation instaure une relation d’emprise totalement asymétrique. Dans sa version la plus délicate, il s’agit d’une prédation…

Le discours du manipulateur consiste à entrer…en imposant, en manipulant … dans l’esprit d’une personne sans que ce quelqu’un sache qu’il y a eu effraction. C’est ce geste qui se cache à lui-même que réside une violence essentielle, traquer dans une séquence continue l’autre, afin de l’emprisonner dans le silence.

En effet à la différence de la violence physique, la violence psychologique qu’implique la manipulation doit toute son efficacité à sa dissimulation. Dans l’acte qu’est la manipulation, le message dans son usage stratégique qu’est l’action, relève psychiquement de la tromperie.

La manipulation, influence destructrice devenue souterraine, dépossède l’homme de lui-même, brise insidieusement sa conscience pour en recomposer une autre qui ne lui ressemble plus.

La manipulation cette pratique déplorable n’est autre qu’une déviation de la réalité pour en faire le jouet d’autrui…

Le profil du manipulateur…

Toutes représentations se construisent sur le passé et l’image du futur n’est qu’image du passé. Pour se définir le manipulateur s’appuiera sur une succession d’expériences, d’identifications qui vont lui dicter sa maîtrise. 

N’ayant pas pu découvrir ce que sont les émotions vraies « murs et remparts bétonnés » en interaction avec autrui, connaissant uniquement la fausseté, les apparences, les simulations, le manipulateur face à cet océan d’incertitude où la lumière n’a guère de place, erre en réalité à l’extérieur pour ne pas avoir à dévoiler ce gouffre qui l’habite.

Pour se positionner dans la vie, celui-ci va se constituer des îlots de sécurité afin de se détourner de ces interminables bavardages intérieurs qui l’engluent dans une spirale négative « angoisse profonde-peur-manque et vide à combler » en empruntant une voie condescendante ultime à sa survie « gravir-être admiré-être honoré-exploiter-soutirer-disposer-détruire… ».

Le manipulateur est dépourvu de sentiments réels car il se nourrit de la vie, du dynamisme, de la créativité et des valeurs morales et humaines de sa victime. Grâce à cette défense et prisonnier de sa rigidité il se survalorise de l’autre qui devient à des fins d’exploitation, son faire valoir.

Les relations avec un manipulateur nous enferment, nous asservissent et nous oppressent. Au contact de celui-ci nous ressentons notre liberté et d’agir subrepticement nous échapper.

« Dans un cœur troublé par le souvenir, il n’y a pas de place pour l’espérance »

Alfred de Musset